Le Photoréalisme ou l’hyperréalisme

L'hyperréalismeINTRODUCTION

Au tout début du mouvement, l’appellation d’hyperréalisme n’était pas fixée. L’exposition organisée en 1968 à la Vassar College Art Gallery de Poughkeepsie avait pour titre « Realism Now », celle de la Sydney Janis Gallery à New York, en 1972, Sharp Focus Realism ; il était aussi question de « Photo-Realism » ou de « Super-Realism »… Ces deux derniers noms ont plus ou moins perduré dans les pays anglo-saxons, tandis que le terme d’hyperréalisme s’est maintenu en France.

En 1976, dans la revue Critique, l’historien de l’art Jean-Claude Lebensztejn définissait comme « sans goût » la peinture des hyperréalistes. Ce mouvement, ou plus péjorativement « mouvance » autour d’une peinture au réalisme illusionniste, prenant appui sur la photographie est apparu sans manifeste, vers les années 1965. Le soufflé retomba vers 1975, beaucoup des artistes impliqués initialement s’en dégagèrent rapidement. La flamme de l’hyperréalisme resta alors entretenue à New York par deux marchands et collectionneurs : Ivan Karp et Louis K. Meisel. Ce dernier énonçant, en 1980, des critères d’admission à ce qu’il définissait également comme « un art totalement américain » : Les critères d’admission selon Louis K.Meisel :
1. Utiliser un appareil photo et la photographie pour recueillir l’information (plus pratique et moins coûteux que de faire poser un modèle, comme chez les anciens maîtres. Donc critère totalement bidon à mon sens, vis à vis de nos moyens technologiques actuels)
2. Employer un moyen mécanique ou semi-mécanique pour transférer l’information sur toile (les anciens utilisaient aussi des moyens « optiques » pour améliorer leurs œœuvres qu’ils faisaient. Donc critère sans trop de singularité)
3. Avoir la capacité technique et la formation picturale pour faire qu’une œœuvre achevée semble photographique (ceci constitue l’unique qualité qui permet de classer les peintres dans cette mouvance : le critère du sérieux dans la tradition académique)
4. Avoir déjà exposé en 1972 des œœuvres de ce type !!! ( critère mégalomaniaque sans intérêt culturel)
5. Avoir consacré au moins cinq ans à cette expérience. (critère intéressant, s’il conforte l’idée que l’apprentissage de cette technique rigoureuse nécessite au moins cinq années de formation).

Peindre le réel tel qu’il est !

Quoi qu’il en soit du dogme puéril cité plus haut, l’hyperréalisme se situe à l’opposé de cette mode pitoyable du minimalisme et de l’abstraction facile, dit aussi expressionnisme abstrait et art conceptuel, ou d’autres, Land Art, Arte povera ou Body Art.
l’’Hyperréalisme ( terme français équivalent aux termes américains Photorealism et Superrealism), apparaît donc aux États-Unis (surtout en Californie et à New-York) et se fonde, entre autres, sur l’’objectivité de l’image et le désir de représenter la réalité brute. Ce qui intéresse des artistes comme Artschwager, Close ou Morley, à la naissance de ce qu’on appellera le Photo-Realism, c’est l’affirmation d’un travail de peinture, accompli « comme par un tisseur persan, fil par fil ». « On ne peut pas tricher, affirme Hucleux, on est obligé d’y passer trois mois, à raison de quinze heures par jour, tout cela pour la simple virtuosité du geste en peinture ».
Mais, il faut signaler que déjà dans les années 1920, les « précisionnistes » (Schamberg, Demuth, Sheeler) s’attachent à traduire le nouveau contexte social, dominé par l’essor de l’industrie, en ayant progressivement recours à une photographie comme point de départ de leur travail pictural ! Et l’on pourrait encore reculer davantage, en 1865, avec les « luministes » (une évolution de l’École de l’Hudson River) qui peignaient avec une précision folle de grands paysages dans un réalisme (hyperréaliste) de détails et dans une luminosité époustouflante. Qualité technique que l’on retrouvera également en partie dans certains peintres paysagistes de l’époque victorienne (contemporains des luministes), notamment « Benjamin Williams Leader ».

Poussé à l’extrême, le concept hyperréalisme se traduit par une précision et une froideur clinique dans le moindre détail, une absence de tout contenu émotionnel, un regard dépassionné et disséqueur, des couleurs parfois lisses et crues, une matière presque absente, un certain fétichisme de l’objet, telles sont les caractéristiques de l’Hyperréalisme, dont tout le jeu repose sur une copie neutre et fidèle de la vision photographique. Dans cette optique, certains iront jusqu’à projeter une diapositive sur leur toile pour peindre directement au pinceau le sujet à l’instar de Parrish, par exemple. Toutefois, de nombreuses écoles parallèles viennent se greffer à ce mouvement, comme par exemple cette nouvelle peinture influencée par les maîtres anciens qui reprend souvent des éléments traditionnels, à la manière des grands fresquistes, en y introduisant délibérément une dissonance qui souligne l’intention de l’artiste de doter de nouvelles significations des formes et des concepts familiers. Ce contraste se sent particulièrement dans la Descente de croix de Steve Hawley qui s’inspira d’une œœuvre flamande du 15ème siècle « la Descente de Croix de Rogier Van der Weyden.

Ce qui caractérise, plus simplement l’ensemble de cette mouvance « hyperréaliste », c’est le retour de la technique !

L’’hyperréalisme renonce à s’’affranchir des contraintes et des limites de la technique.
Bien au contraire, il retourne vers la peinture de chevalet. Il rétablit les techniques originelles de la peinture conventionnelle et respecte l’enseignement des anciens. Ce retour passionné à l’’acte pictural réaliste s’’est fait jour pendant une période d’’abstinence picturale durant laquelle les critères techniques et les critères d’’appréciation se sont perdus. Période durant laquelle le marché de l’Art s’est empêtré dans les concepts verbieux plutôt que sur les œœuvres elles-mêmes (l’œœuvre étant devenue secondaire face au discours périphérique emphatique). Ce discours préalable à l’œœuvre « marchande » ira jusqu’à recréer de  l’Art par les délires de commentateurs intéressés et par les analystes agréés, juges et parties, mais surtout bassement mercantiles.

L’’hyperréalisme, compte-rendu paisible et littéral des réalités visuelles, occupe de ce fait encore une position embarrassante face au rouleau compresseur de l’art moderne le seul art véritablement pompier de toute l’histoire de l’Art. Il existe cependant deux notions complémentaires, qui semblent primer au-delà du dogme de la modernité désuète du mouvement et, qui plaident en faveur de l’’art hyperréaliste :
– d’’une part le réalisme est incontestablement lié à un sujet concret et réel
– et d’’autre part, comme le souligne Don Eddy, l’’apparence du monde est vraiment plus excitante que l’’apparence d’un art (factuel et contrefait, voire même simplement transgressif).

L’’hyperréalisme est l’’un des rares récents courants novateurs à bénéficier d’’un très large succès public, du moins constaté aux États-Unis.
Cependant, en dépit d’’un succès populaire certain, l’’hyperréalisme s’’est heurté à une relative indifférence des critiques et des institutions.
Quand les conceptualistes ont abandonné les outils et les supports traditionnels au profit des performances et des installations, d’’autres artistes, en réaction, sont retournés dans les ateliers.
Pour la communauté critique, ceci a constitué un contre-choc révolutionnaire avec des implications beaucoup plus choquantes que celles provoquées par la plus iconoclaste des stratégies développées par les Conceptualistes. On pourrait même avancer que ceux-ci se seraient vus dessaisis de leur bulle savante, à savoir être les seuls à pouvoir décrypter l’art ! D’où un certain malaise entre le mouvement hyperréaliste et la critique. On les comprend aisément, cet art est bien trop abordable pour le public, il n’y a plus besoin de critiques savants pour comprendre une œœuvre hyperréaliste et pour l’expliquer ! D’ailleurs ces fameux critiques ont tellement miné le terrain que certains publics reproduisent inconsciemment leurs discours. Encore de nos jours, les effets néfastes de ces critiques initiés sont visibles. Peindre comme une photographie serait juste une prouesse technique et en aucune manière de l’art !

L’’hyperréalisme est une forme d’’art exigeante et les peintres passent le plus clair de leur temps à peindre dans leurs ateliers ce qui laisse peu de disponibilité pour alimenter en informations la réflexion des médias et des spécialistes de l’Art.
De plus, les peintres hyperréalistes ont laissé au placard un certain nombre d’’attributs propres aux acteurs du grand Art pompier officiel, tels que le culte de la personnalité, le mythe du génie individuel, la démarche élitiste, ésotérique ou transcendantale !

Toutefois, l’hyperréalisme poussé à l’extrême réduit l’art à une pâle copie d’un capteur photographique, ce qui n’est pas la vocation de ce qu’on peut appeler une œuvre d’art, on est juste dans le domaine de la prouesse technique. La différence avec une toile figurative bien exécutée est infime et tout se joue dans la nuance entre la palette des couleurs de l’artiste. Dans l’hyperréalisme les couleurs sont calquées sur la seule réalité, dans la figuration les couleurs sont décalées et obéissent à l’utilisation restrictive de certaines teintes affectionnées par le peintre. La différence est également visible dans la trace laissée par le pinceau. Dans l’hyperréalisme on essaie de supprimer toute trace, dans la figuration, le touché du peintre reste décelable et puis finalement, dans la peinture figurative les sujets traités le sont à travers la vision du peintre (sa sensibilité, sa vision du monde) et non celle d’une grille numérique.

Pour clore, l’utilité d’un tel retour aux sources, on pourrait aussi faire un parallèle utile avec les primitifs flamands qui faisaient bien avant l’heure de l’hyperréalisme à leur façon, selon les canons esthétiques de l’époque. Rappelons que ceux-ci sortaient à peine du moyen-âge ! Mais la maîtrise technique de leur art était totalement similaire à nos contemporains hyperréalistes d’aujourd’hui (préparation des pigments exclue, puisqu’’aujourd’hui la peinture est déjà prête sous tube et en teintes presque infinies). Nos anciens avaient donc, bien conscience qu’ils faisaient de la peinture : un Art, et non pas, un business hermétique vaguement pictural destiné à quelques initiés d’un marché clos. Imaginez un seul instant, quel genre de peintures nous aurions reçu des siècles passés, si celles-ci n’avaient été simplement fabriquées que pour quelques riches spéculateurs désœoeuvrés, dictant leur « bon » goût, la mode des thèmes et l’intérêt d’une œœuvre au détriment total du travail et de la recherche des artistes ! L’art aurait sans doute disparu depuis longtemps faute de réelles aspirations artistiques, étouffé par une production indépendante de toute créativité issue des artistes !

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Les époux Arnolfini - Van-Eyck

 Les Époux Arnolfini par Van Eyck en 1434 !!!

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Personnellement, pour illustrer cette mouvance relativement récente, j’ai choisi Iman Maléki qui est un peintre par excellence du figuratif réaliste, disons de l’hyperréalisme selon la formule consacrée. Cela ne l’empêche pas d’insérer des messages importants dans ses toiles comme cette Joconde entièrement voilée d’où seules les deux mains (très reconnaissables de celles de Vinci) sont visibles par-dessus le drapé !
C’est le contre-exemple type de ce que les critiques dénigrent dans l’hyperréalisme et malhonnêtement sous couvert d’expertises et de déni d’initiés. Ses tableaux ne sont ni froids ni chirurgicaux, ils montrent au contraire une grande sensibilité et sont un condensé très probant et précis d’une réalité vécue, telle une photo de Cartier-Bresson qui savait capturer « l’instant décisif d’un moment de vie » avec un œœil d’humaniste.

La grande force de cet art réaliste, c’est qu’il est narratif et compréhensible instantanément par le public, contrairement à l’art moderne actuel qui est totalement stérile à décrire la condition humaine, parce qu’il ne permet pas la narration. C’est juste un art décoratif esthétisant, qui passe par un langage spécialisé et alambiqué pour justifier le qualificatif artistique à des objets « prétendus culturels » réalisés sur tout support !

liens pour visiter ses toiles (ça vaut le coup, mieux qu’une visite au musée) :
http://www.imanmaleki.com/en/Galery/
http://www.ricci-art.net/fr/Iman-Maleki.htm

Iman Maléki est né en 1976 à Téhéran. Il a été fasciné par l’art de la peinture depuis qu’il était enfant. À l’âge de 15 ans, il a commencé à apprendre la peinture sous la maîtrise de son premier professeur et le seul – Morteza Katouzian – qui est le plus grand peintre réaliste de l’Iran, dont on retrouvera de nombreuses références dans les toiles d’Iman.
http://www.mortezakatouzian.com/
En attendant, il a commencé à peindre de manière professionnelle. En 1999 il sort diplômé en design graphique de l’art de l’Université de Téhéran. Depuis 1998, il a participé à plusieurs expositions. En l’an 2000, il s’est marié et l’année suivante, il créa ARA Atelier de Peinture et a commencé à enseigner la peinture, compte tenu de classique et de valeurs traditionnelles.

Expositions les plus importante

– L’exposition des Peintres de la Réalité de l’Iran à Téhéran,
– Musée d’Art contemporain (1999)
– l’exposition du Groupe des Peintres Studio Kara, à Sabz Gallery (1998)
– à Sa’ad Abad Palace (2003 ).
– En 2005, Iman a reçu le prix William Bouguereau et prix du Choix du Président lors du deuxième concours ARC salon international.

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D’autres peintres hyperréalistes pourraient être cités (ils sont très nombreux), en voici quelques uns (californiens, espagnols, suédois, français, allemands, danois, chinois… etc). Certains ont une démarche purement technique, d’autres traitent un sujet et le fonde dans une atmosphère chargée de sensibilité. Les seconds sont certainement plus intéressants, mais tous sont compréhensibles auprès du public qui doit redevenir le juge suprême qu’il fut naguère, car l’art est fait pour être vu par le plus grand nombre et non pas stationner momentanément d’un coffre-fort à l’autre.

L’italien Emanuele Dascanio ci-dessous œuvre aux crayons

Le père ne veut pas divorcer de Emanuele dascanio

Ying Zhao Liu, peintre chinois


http://www.taowatergallery.com/artist_lyz.htm


Gilles Paul ESNAULT France


Jacques Bodin peintre Français


Denis Patterson peintre de New-York

Linnea Strid peintre suédoise


Thomas Arvid peintre américain

 
JEREMY GEDDES Lady Sham Inspects the Damage 2008


Antonio Cazorla peintre espagnol


Javier Arizabalo peintre espagnol né à Saint Jean-de-Luz (France). Diplôme de l’École des Beaux-Arts de Bilbao Vit et travaille à Irun.


Toni Ryder


Richard Estes


Gérard Schlosser


Chuck Close


Don Eddy

 
Ralph Goings…
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Victor Rodriguez


Kate Waters


Rene Wirhs


Clive Head

7 réflexions au sujet de « Le Photoréalisme ou l’hyperréalisme »

  1. Excellent.
    J’avais vu cet article sur skytopic.net, il y a quelques semaines et je crois qu’il venait d’un forum !

  2. Exact, Skytopic.net est une sorte de moteur de recherche qui stocke dans ses propres « pages » des copiés-collés complets d’articles issus de forums « intéressants ». Le problème c’est qu’ils ne demandent strictement rien ni aux auteurs ni aux administrateurs !? C’est du droit à l’américaine (qu’on en fasse autant)…

  3. Personnellement, je fais une distinction entre l’hyper réalisme qui reproduit le plus exactement possible la réalité photographique (comme par exemple une vue de gratte-ciels de Manhattan) et le photo réalisme qui cherche un rendu hyper réaliste d’une scène irréelle (je citerai le travail de Etienne Sandorfi ou de Guennadi Ulibin). Les techniques sont proches mais la composition est d’un autre ordre :-)

  4. Skytopic est une structure qui capte des articles sur les forums ou les blogs, sans jamais demander la permission aux auteurs. Je trouve ceci d’un culot digne de ces boîtes américaines qui s’accordent tous les droits sans n’avoir aucune obligation.
    L’article était par ailleurs plus court et moins documenté qu’ici et le forum en question est l’un de mes forums encore en activité.

  5. jp.leclerc, je crois que la différence entre hyperréalisme et le réalisme se situe plus simplement dans le degré de perfection de la reproduction du réel. Dans l’hyperréalisme, le motif est reproduit à l’identique avec la finesse d’une photographie, dans le réalisme, la finesse des perfections n’est pas une fin en soi, c’est l’impression de naturel qui suffit. Ainsi je ne suis pas un hyper-réaliste, car mes finitions sont bien en deçà d’une texture photographique, l’on y décerne les traces de pinceaux et même les nuances nettes entre les poses de couleurs.
    Par ailleurs, ma technique n’est pas axée sur une finesse photographique. Pour y satisfaire, je devrais peindre nettement plus gras (médium et très peu d’essence) alors que je pratique l’inverse. Par contre, le fait de recomposer le réel, n’est pas suffisamment notable à mon sens en tant que dichotomie de classification, car même en photographie après la prise de vue, l’on peut modifier un ciel, enlever des lignes électriques, supprimer des rides, rajouter une bague ou l’enlever, etc… Dans ce cas, le type qui ferait ce même travail mais au pinceau ne devrait pas être classé dans les hyper-réalistes, mais les réalistes !! Vous voyez que l’on débouche sur des impasses avec ce dilemme transformation ou pas.

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